Vous avez remarquez, vous aussi, le foisonnement de structures et de projets d’accompagnement des entrepreneurs-res ? Même les universités s’y mettent. L’entrepreneuriat semble supplanter le salariat comme débouchée. Mais entre nous, quel est le mieux : salariat ou entrepreneuriat ?
L’entrepreneuriat est à la mode, voire une norme tant on en fait sa promotion à tout va. On pourrait facilement croire que tout le monde entreprend et que ceux et celles qui ne le font pas (encore) n’ont rien compris à la vie. Après tout, l’entrepreneuriat est vendu comme l’aboutissement d’un bon développement personnel. Liberté, richesse et bonheur sont promis à demi-mot par des entrepreneurs et entrepreneures qui partagent leur parcours lors d’interventions. Le salariat est au contraire présenté comme un esclavage moderne. C’est d’ailleurs le ras-le-bol vis-à-vis du salariat qui a notamment concouru au succès de l’entrepreneuriat. On est donc tenté de suivre la tendance et se lancer dans l’entrepreneuriat à l’aveugle. Toutefois, ce n’est pas aussi simple que ça puisqu’en dépit des apparences, il y a toujours plus de salariés que d’entrepreneurs-res. Parce que si le salariat n’est pas fait pour tout le monde, l’entrepreneuriat aussi. Le combat n’est peut-être pas gagné d’avance pour l’entrepreneuriat. Alors si on les comparait.
La sécurité ou le grand saut ?
Quoi qu’on en dise, le salariat reste le statut qui garantit le plus de sécurité. Un salarié a la garantie de recevoir un salaire d’un montant minimum et à une date régulière. Là où au contraire dans l’entrepreneuriat, les revenues sont incertains, surtout dans les débuts. De même, en cas de perte de son emploi, un salarié, moyennant des conditions de plus en plus difficiles, a le droit aux allocations du chômage. Il bénéficie donc d’une entrée d’argent en attendant de retrouver un poste. L’entrepreneur-e doit pour sa part compter sur ses économies ou sur les minimas sociaux comme le RSA. Quant à la mutuelle et à la retraite, elles aussi sont garanties aux salariés. En revanche, pour l’entrepreneur-e, il doit souscrire à des caisses individuelles. Quand on se lance dans l’entrepreneuriat, il vaut mieux avoir le goût du risque.
Plutôt du genre à s’engager ou non ?
De nos jours, on se moque volontiers du salarié qui fait sa journée de bureau de 9 à 17 heures, du lundi au vendredi. Néanmoins l’avantage de ce type de cadre professionnel est qu’à 17 heures, le salarié finit réellement sa journée de travail. Alors que dans l’entrepreneuriat, on ne compte souvent pas ses heures. L’entrepreneure Claire Despagne qui avait défrayé la chronique le printemps dernier en regrettant les limites de travail des stagiaires avait raison au moins sur un point. Il est rare de voir un entrepreneur ou une entrepreneure développer son entreprise avec des semaines de 35 heures. Même lorsqu’un entrepreneur peut engager des salariés, il doit toujours rester polyvalent et toujours disponible pour son entreprise. Selon l’activité, il peut être amené à répondre aux appels et aux mails professionnels, y compris en week-end et en vacances. Toutefois, il arrive de voir des salariés adopter ce genre de rythme de travail pour une entreprise qui n’est pas la leur. S’il s’agit de se dévouer au travail, l’entrepreneuriat peut être une alternative parce que l’entrepreneuriat est un véritable engagement.
L’attractivité sur le marché de l’emploi, ça compte ou non ?
Si l’entrepreneuriat fait rêver, c’est le salariat qui nous rend attractif sur le marché de l’emploi. Derrière le mot entrepreneur, nous pouvons tout mettre, aussi bien une personne au chômage qu’une gérant d’une PME lucrative. Et puis, le passage dans une entreprise déjà reconnue fonctionne comme une recommandation. Alors que l’entrepreneuriat s’apparente davantage à de l’auto-promotion. L’interlocuteur n’a pas forcément la possibilité d’évaluer les compétences et la nature de l’expérience acquise. Cette perception est tellement ancrée que le salariat contribue aussi à rendre attractif un profil d’entrepreneur-e.
Les entrepreneurs-res mettent souvent en avant les années de travail au sein d’une entreprise comme gage de leur expertise. Les investisseurs et les clients potentiels se fient davantage à un-e entrepreneur-e ayant de l’expérience dans une entreprise, sur un poste similaire. Et même lorsque le poste est différent, il existe tout un storytelling pour expliquer la reconversion et les liens avec le précédent poste. Sur le CV, c’est donc le salariat qui fait rêver.
Get rich ou non ?
On ne devient pas riche avec un SMIC. Loin d’être une simple punchline de rappeur, c’est un fait puisqu’il s’agit du salaire minimum. Les luttes sociales ces dernières années, tel que les revendications des gilets jaunes, montrent bien que le SMIC peut être insuffisant. Bien sûr, tous les salariés ne sont pas cantonnés au SMIC. Il est possible de s’enrichir dans le salariat autant que dans l’entrepreneuriat.
Toutefois la différence est que dans l’entrepreneuriat, le revenu est lié directement à sa productivité, à son travail. L’entrepreneur-e peut diversifier et étendre son entreprise selon la demande et ainsi augmenter ses profits. Alors que dans le salariat, le plus souvent, nous échangeons notre temps contre de l’argent. Le salaire proposé est soumis à un barème interne et se calque sur la concurrence. Les cadres payés à la commission n’échappent pas tout à fait à cette restriction puisqu’ils n’ont pas une marge manœuvre absolue dans leur travail. L’entreprise peut aussi décider de plafonner ses commissions. On a donc plus de chance de décrocher le million dans l’entrepreneuriat, surtout que la législation actuelle favorise les entreprises.
La liberté
Si le développement personnel et l’entrepreneuriat vont souvent de pair, c’est parce que l’entrepreneuriat peut permettre la réalisation de soi. En effet, la création d’une entreprise signifie choisir son cadre de travail avec peu de restrictions. L’entrepreneur-e choisit en particulier la raison d’être de son entreprise. C’est cette même raison d’être qui peut parfois causer de la souffrance en entreprise quand un salarié a le sentiment de ne pas trouver de sens à son travail. L’entrepreneuriat est l’occasion de s’engager dans un projet qui fait sens pour soi. Trouver son ikigaï : une notion empruntée au Japon, qui signifie trouver une activité que vous aimez, qui est utile aux autres, qui est rémunéré et où vous êtes douée. Cette quête du poste sur-mesure est l’une des principales raisons évoquées par les entrepreneurs-res pour entreprendre. L’entrepreneuriat porte aussi en son sein une promesse de liberté parce qu’elle libère des patrons. Plus personne pour nous diriger et plus d’emploi du temps figé. Néanmoins, l’envers du décor est plus nuancé. Les entrepreneurs-res restent sous la dépendance de leurs clients. C’est d’eux, comme du patron, que dépend leur rémunération. Ces mêmes clients peuvent donner le rythme de votre activité. Alors oui, une entrepreneure peut choisir de ne pas travailler les lundis et de partir en vacances dès mai. Mais on peut trouver la même chose dans le salariat. La liberté totale n’est le propre d’aucun type de travail.Match nul L’entrepreneuriat et le salariat ont tout deux leurs bons et leurs mauvais côtés. L’important est d’en avoir conscience lorsque l’on s’engage dans l’une de ces voies et de le faire parce qu’elle nous correspond. L’entrepreneuriat est pour vous si vous ne craignez pas les imprévus et souhaitez vous engager à corps perdu dans un projet. Mais le salariat est plutôt pour vous si vous ne voulez pas gérer une structure et avez besoin de stabilité. La bonne nouvelle est qu’il n’y a pas de bon choix. Rien ne vous condamne au salariat ou à l’entrepreneuriat. Si l’un ne vous plait plus, vous pouvez toujours passer à l’autre et recommencer l’opération autant que nécessaire.